Jeux d'Elles

Jeux d'Eaux

 

L'avion vient de se poser sur le tarmac depuis quelques minutes et les passagers descendent les escaliers de la passerelle.

A travers la vitre du hall, je te cherche du regard parmi la colonne en mouvement qui vient vers moi.

Je me dresse sur la pointe des pieds pour tenter de t'apercevoir, je redoute un empêchement de dernière minute qui aurait pu te faire manquer notre rendez-vous.

Quelques jours plus tôt, ta voix au téléphone était à la fois douce et gênée, je te sentais sourire et je percevais tes soupirs lorsque dans un souffle tu m’annonças :

"Je viens...plus rien ne me retient, je serai là vendredi par le vol de 18 h, je veux te voir"...

 

Après tous ces mois de silence, d'esquives en tous genres pour te réfugier dans une autre vie et te protéger des autres, tu réalises enfin le cauchemar du pont :

"Saisir la main que je te tends, et venir te réfugier dans mes bras".

 

Alors que mes yeux sont ailleurs, une longue silhouette se détache du cortège et s'arrête devant moi. Tu restes à distance, immobile et notre premier regard s'échange durant de longues minutes dans une bulle de silence à l'abri du brouhaha de la foule qui nous frôle sans nous voir.

Tu esquisses enfin un sourire, tu fais un pas en avant et tu te blottis contre moi.

Quelques minutes plus tard je te conduis à l'Hostellerie où j'ai réservé une chambre pour le week-end. Mon amie Anne-Sophie a bien fait les choses ; Cet ancien château du XV/XVIème siècle a été restauré avec goût et elle t’a préparé sa plus belle chambre.

Elle nous accompagne et tu découvres le bouquet de roses que j'ai fais porter un peu plus tôt. Je l'embrasse et la remercie de son attention, elle s'éclipse discrètement.

Nous voilà seules. Nous avons plus d'une heure devant nous avant le dîner que j'ai réservé. Je te propose de te détendre de ton voyage avec une douche, pendant que je t'attendrai à côté. Tu disparais dans la salle de bains.

Je m'assoie sur le bord du lit et je fais défiler les chaînes de télévision en attendant ton retour. La porte de la salle de bains n'est pas fermée...

 

Depuis ton arrivée je sens chez toi une impatience à peine dissimulée, comme si tu attendais que je mette en pratique tous nos échanges virtuels passés, ceux avec lesquels je t'ai si bien chavirée, ceux qui m'ont encrée dans ton corps jusqu'à aujourd'hui.

Je décide alors que la précipitation pourrait nuire gravement à cette rencontre. Le temps que tu prends pour sortir de la douche te permets de ton côté d'échafauder un plan.

Alors que je suis presque affalée sur le lit en appuis sur mes coudes en train de zapper les chaînes de télévision, tu sors entièrement nue de la salle de bains et tu te plantes devant moi, indécente.

Ta peau est à peine sèche, tes cheveux mouillés sont défaits et en bataille et tombent devant ton visage.

 

Tu ne dis rien...mais moi non plus. Je t'observe mettre tes mains sur tes hanches et attendre que je t’attire vers moi. Peine perdue. Je ne bouge pas et je devine à la façon dont tu mords ta lèvre, un petit agacement qui me satisfait au plus haut point.

En guise d'indifférence, j'ose même tourner la tête vers la télévision que tu me caches à peine de ton corps.

Pour toi cet affront est de trop. Tu te jettes sur moi et m'arrache de la main la télécommande qui va valser à l'autre bout de la pièce. Tu t'allonges de tout ton corps en cherchant à me faire réagir.

Je reste inerte à tes baisers, insensible à tes mains qui cherchent à défaire mes vêtements en vain, ton corps ondule sur mon bassin pendant que tes cheveux fouettent mon visage.

N'importe qui d'autre t’aurait déjà renversée pour t'aimer... pas moi.

 

Tu réussis tant bien que mal à défaire deux boutons de mon chemisier, et devant l'impassibilité dont je fais preuve, ta rage s'abat sur mon cou.

Tu mords... Tu mords lentement mais sûrement jusqu'à ce que ma respiration se bloque sous l'effet de la douleur, mais je n'ai pas bronché.

Je ne quitte pas ton regard. Je te souris et te murmure un "je t'aime" qui logiquement devrait signer mon arrêt de mort par une gifle bien sentie.

 

Au contraire, tu te relèves comme si de rien n'était et tu ouvres ta valise dans laquelle se trouve une robe. Tu me la montre comme pour me demander mon accord de la porter.

Je dis oui à la robe...non aux sous-vêtements, tu fais mine de ne pas t'en offusquer car tu viens d'entrer dans mon jeu.

 

Dans la salle de bains, devant le miroir tu te penches pour te maquiller, je suis derrière toi.

Mes mains de chaque coté de tes hanches, je t'observe par dessus ton épaule appliquer consciencieusement un gloss brillant sur tes lèvres, chose que je ne sais absolument pas faire pour moi-même.

Je profite de cette position pour approcher mon ventre de tes reins et la fermeture de mon jeans frôle tes fesses à travers le tissu de ta robe.

 

Ta main reste en suspend quelques secondes, tu plisses les yeux dans le miroir, puis tu reprends l'application du gloss. Je tords le cou et observe dans la glace la marque laissée par tes crocs affamés.

Le sang afflue sous la peau et donne une trace ronde et parfaite de l'emplacement de chaque dent. Un animal aurait carrément enlevé un bout de chair !

Tu me souris dans le miroir à la vue de ta signature, et tu me murmure un "je t'aime" vengeur.

 

Nous quittons la chambre.

Le couloir est silencieux et la moquette donne une ambiance feutrée à nos pas. Tu marches devant moi lentement ce qui me permet de deviner ton corps parfait sous le tissu fluide de ta robe.

Tu accentues volontairement ta démarche comme un mannequin lors d'un défilé de mode dont tu as l'allure, ce qui nous fait rire aux éclats.

Arrivée au bout du couloir, tu fais soudain volte-face et m'attire contre toi.

 

Le dos contre le mur, tu saisis ma main pour la faire glisser contre ta cuisse et l'amener à te caresser. Tu la guide sous le tissu en espérant que je vais poursuivre seule...mais elle retombe sans aller plus loin. Je me penche en arrière pour éviter ta bouche, résignée tu lèves les mains en signe d'abandon.

 

Je te désigne les escaliers qui mènent à l'entrée du restaurant.

Anne-Sophie nous adresse un sourire et nous invite à la suivre.

Les tables sont dressées dans une salle tout en longueur, et l'on peut voir le green du Golf à travers les fenêtres.

Mais c'est dans la salle "réservée" que nous serons installées.

Les larges dalles de pierre couvrent le sol, les tentures épaisses à chaque fenêtre étouffent les bruits de la salle voisine.

Le feu crépite dans la cheminée et diffuse sa chaleur bienfaisante.

 

Nous serons seules dans cette pièce, Anne-Sophie veillant à ce que personne ne vienne déranger notre tête à tête, elle nous servira elle-même les plats.

 

Nos discussions sont variées mais totalement dénuées d'intérêt, chacune de nous faisant en sorte de ne pas évoquer notre relation intime, pas plus que nos envies respectives.

Je frôle parfois ta main que tu retires prestement pour la remettre immédiatement après.

Quand je fixe ta bouche tu n'hésites pas à laisser pointer ta langue entre tes dents. En attendant le café, je me lève et me dirige vers la cheminée pour ramasser les braises qui viennent de tomber.

Tu me tournes le dos indifférente à ce que je fais, même si tu sais mon regard posé sur toi. Tu me parles de tes affaires, de tes clients et de dossiers en cours pendant que je m'approche derrière toi en croisant mes bras sur l'immense dossier de ta chaise.

Je sens le parfum de tes cheveux, ta peau douce et hâlée que je me retiens difficilement de toucher, ma vue plonge directement sur naissance de tes seins.

Tes mains de part et d'autre de ton assiette, tu continues de parler tout en triturant une miette de pain oubliée pour focaliser ta pensée sur autre chose que mon souffle au dessus de toi.

Sans même t'en rendre compte, au cours du dîner tu me répéteras deux fois la même anecdote. Tu es troublée. Tu le sais...et je le sens.

Ta respiration se fait irrégulière et chaque fois que j'approche ma bouche de tes cheveux, ta poitrine se soulève, ta main se fige sur la nappe.

 

Anne-Sophie nous apporte le café et me fais un signe de la tête.

Je la remercie par un clin d'œil entendu, tu ne remarques pas notre connivence.

Quelques minutes plus tard, je te prends par la main et te raccompagnes à ta chambre.

L'intérieur à changé et tu m'en fais la remarque.

Il y règne une ambiance chaleureuse due aux bougies parfumées judicieusement placées qui dégagent des senteurs enivrantes.

Sur une desserte, il y a deux flûtes de cristal ainsi qu'une bouteille de champagne dans un seau à glace.

 

Dans la salle de bains, une eau parfumée et moussante nous attend, on devine une multitude de bulles qui montent à la surface.

Tu souris comme une enfant qui découvre un jouet tant attendu sous son arbre de Noël.

Prestement tu retires ta robe et sautes dans l'eau chaude pour t'allonger de tout ton long.

Tu joues un moment avec la mousse que tu ramènes sur ton nez ou tes seins, tu cherches à m'asperger et tu ris de ce nouveau terrain de jeu.

 

Puis tu redeviens calme. Tes rires font place au silence, tu baisses les yeux un instant, puis ton regard se fixe sur moi, tu m'invites sans mot dire.

 

J'attends encore une minute puis je m'agenouille près de toi.

C'est à mon tour de jouer.

Je presse l'éponge naturelle gorgée d'eau, je fais couler un filet sur ton cou puis sur chacun de tes seins dont la pointe se durcit.

Je renouvelle l'opération plusieurs fois en changeant le filet de place, ta peau change d'aspect et de lisse qu'elle était, elle devient granuleuse, tu frissonnes.

 

Je descends à présent sur ton ventre.

Les yeux mi-clos dans cette ambiance parfumée et tamisée, tu t'abandonnes totalement à mes caresses, tu cambres tes reins chaque fois que l'éponge frôle ton nombril.

Je fais le tour du piercing diamanté puis je remonte à nouveau vers le haut de ton corps. Je te laisse un moment savourer le calme de ce bain chaud pendant que j'enlève à mon tour mes vêtements pour te rejoindre.

 

La mousse onctueuse me permet de te masser le dos et de te détendre. Tu me laisses voyager sur ton corps et découvrir enfin toutes ses courbes que tu m'offres sans plus aucune retenue.

La tête renversée sur mon épaule pendant que mes mains caressent tes seins, tu sembles t'endormir de plaisir.

Nous restons de longues minutes ainsi l'une contre l'autre jusqu'à ce que l'eau en se refroidissant nous obligent à changer de lieu.

 

Allongées à présent sur le lit nous dégustons ce nectar lentement jusqu'à ce qu'il me vienne l'idée...d'en user autrement.

Je fais couler doucement le contenu de ma coupe entre tes seins et observe le filet de champagne noyer ton nombril.

En débordant de la sorte, les bulles descendent naturellement sur ton ventre puis inondent ton sexe.

Je me redresse pour voir ta réaction, tu fermes les yeux et semble apprécier mon jeu "d'eau" de luxe.

 

Décidant qu'il n'est pas correct de gâcher un tel breuvage, je décide alors d'aller récupérer ces gouttes à l'endroit précis où elles disparaissent.

Et c'est avec la pointe de ma langue que je vais les chercher une à une entre tes cuisses.

Au bout d'un moment je ne sais plus faire la différence entre le champagne et ton plaisir. Tu ne cesses de gémir au contact de ma langue qui indocile fureteuse, provoque un véritable ras de marée dans ton corps.

Tu ondules comme les vagues de l'océan au large qui vont s'abattre bientôt sur le rivage.

Je n'attends que ça...ton déferlement imminent dans ma bouche, mais je sais faire durer la tempête qui gronde en toi.

Tes gémissements et ta respiration s'accélèrent comme un ciel qui se couvre de nuages et obscurcit le paysage.

Il y a soudain l'instant de calme, ce moment précis qui précède une catastrophe, comme l'œil du cyclone dans lequel il n'y a ni vents ni précipitations.

Tu es comme suspendue pendant quelques secondes de silence, jusqu'à ce que le plaisir traverse tout ton être et te foudroies dans mes bras, tu ne gémis plus...tu cries tellement la force de ta jouissance est puissante.

 

Essoufflée tu retombes lentement.

Je pose ma tête sur ton ventre, je perçois des spasmes et des tremblements longtemps après ton vacarme intérieur.

Tu passes tes mains dans mes cheveux et me murmure des "je t'aime...je t'aime" pendant que ma bouche embrasse ta peau encore frissonnante.

Nous finissons par nous endormir l'une contre l'autre.

 

C'est un rayon de soleil qui vient me réveiller.

Je ne reconnais pas notre chambre, du moins ce n'est pas celle de l'hostellerie. Celle-ci m'est bien trop familière. Alors je comprends.

Je comprends que je viens de vivre un rêve si fort pour te ressentir encore au matin dans mes bras.

Ce réveil est aussi douloureux que mon rêve pouvait l'être d'amour.

Un jour...peut-être..Il le sera pour de vrai.

 

à Béa, à nos souvenirs intenses et non dissimulés

Note : Les lieux et les personnages de ce récit sont authentiques.

Seuls les événements décrits sont une projection de notre futur...peut-être...