HISTOIRE TARABISCOTEE

 du

Manuel de Conjugaison

 

  

En ces temps reculés et finalement pas si anciens, nos bureaux de classe étaient en bois.

Chaque élève avait droit à sa place bien définie pour l’année entière, il rangeait ses livres et ses cahiers dans le coffre de son bureau.

 

L’histoire dramatique qui suit se déroule pendant les vacances scolaires d’hiver.

L’école est déserte, les salles et les couloirs sont vides des cris des enfants.

 

Dans l’un des bureaux du fond, celui près du radiateur, il y a une grande agitation.

Un élève étourdit a oublié son manuel de conjugaison.

Il ne sera pas consulté pendant plusieurs jours, ce qui affole les verbes car ils aiment bien que l’on s’occupe d’eux. 

Approchons-nous, et écoutons la discussion surprenante de la page 32 :

 

L’auxiliaire Être soupire :

« Je suis bien triste d’être abandonné de la sorte.

l’auxiliaire Avoir lui répond :

- Tu as bien raison.

l’Imparfait dépité se mêle de la conversation :

- J’en étais sûr.

Le Futur s’approche et se veut rassurant :

-mais enfin, nous serons ensemble pendant tout ce temps, soyons optimistes. 

 

Le Passé Composé (la mine déconfite) raconte : 

- L’an passé, j’ai été oublié pendant des jours à la même époque.

Le Passé Simple se souvient :

- Oui ce fut terrible.

Le Plus Que Parfait jubile :

- Mais nous avions été bien récompensés aussi.

Le Subjonctif Présent revanchard :

- Qu’il soit puni une nouvelle fois !!!

Le Futur Antérieur fataliste :

- Il aura été perturbé par tous ces préparatifs de fête.

 

Dans son bas de page, l’Impératif écoutait attentivement les lamentations de ses amis, appuyé nonchalamment contre le mur de la page 33.

Rompant alors leur conversation il dit :

- Cessez donc de geindre !

Arrêtez de vous prendre pour le centre du monde.

Considérez plutôt comme une chance le fait que nous soyons réunis tous ici et en bonne santé.

Soyons heureux d’être utiles aux mots et aux sentiments car c’est par eux que le bonheur arrive.

Laissez donc vivre les gens comme ils l’entendent dans le

respect de leur choix.

 

L’auxiliaire Avoir s’approcha, et sur un ton plein d’admiration ajouta :

- Tu as bien raison !