LETTRES A MON INTIME ETRANGERE
CHAPITRE 1
La saison touristique touchait à sa fin, les plages retrouvaient leur calme après les cris des enfants, les ballons fugueurs, les odeurs de crème bronzante et sandwichs en tous genres.
Comme toutes les fins d'après midi, je retrouvais mon bout de sable isolé entre deux rochers, à l'abri des regards pour profiter de la chaleur des derniers rayons de soleil de la journée.
Elle m'avait demandé de penser à Elle, et pour ne pas l'oublier je devais noter mon inspiration sur des feuilles blanches, elle serait ma Muse.
Mais comment pourrais-je l'oublier, Elle qui occupe mes pensées chaque secondes de mes jours, où son corps invisible me réveille même la nuit, et malgré cela, j'ai pourtant toujours l'impression de l'avoir dans mes bras.
J'étalais une grande serviette sur le sable, et à demi nue, je cherchais l'inspiration dans les vagues qui venaient à mes pieds sans m'atteindre, mon carnet sur les genoux.
Je changeais de position souvent, tantôt sur le coté, tantôt sur le dos ou à plat ventre.
Je repensais à son e-mail de la semaine passée qui me disait :
"Je viendrai mais je ne peux pas te promettre quel jour, j'ai beaucoup de travail ici, je t'aime mon cœur, attend moi".
Je recevais ces messages toutes les semaines sans jamais la voir venir.
Toute la journée j'avais travaillé à la maison et organisé notre futur potager et le verger dans lequel il y aurait bientôt les fruits dont Elle raffole, grâce aux bons conseils de notre voisin.
Ce carré de sable en bord d'océan était notre refuge, et ce soir il devenait mon lieu de repos.
A bout de forces, je me suis endormie sur le dos, torse nu offrant ma peau à la chaleur tiède de cette fin de journée, bercée par le bruit des vagues.
Je me trouvais dans un demi sommeil, je sentais une caresse entre mes seins, un effleurement sur ma peau chaude, peut-être était-ce le vent ?
Je tournais la tête et les yeux mi-clos je devinais une fine silhouette penchée au dessus de moi.
Je reconnaissais ce parfum, les contours de son visage malgré l'éblouissement du soleil couchant.
Du bout de ses doigts, elle caressait la pointe de mes seins déjà dressés par le vent, en dessinant des cercles sur chacun d'eux.
Sa main descendait à présent sur mon ventre en dessinant des arabesques autour de mon nombril ; instinctivement je me cambrais.
Elle prenait un malin plaisir à aller et venir à l'intérieur de mes cuisses et à remonter à nouveau sur mon ventre, à effleurer mon short mais sans jamais s'y arrêter.
Mon bras passé dans son dos, je l'obligeais à venir au dessus de moi.
Allongée sur mon corps, sa bouche embrassait chaque parcelle de mon torse, ses cheveux tombaient et balayaient ma peau qui n'en finissait pas de frissonner.
Je passais mes mains dans ses reins et je lui ôtais ce léger pull qu'elle portait à même la peau.
Je sentais sur ma poitrine ses seins durcis par le désir, avant que sa bouche ne descende dangereusement vers mon ventre.
Mon short ne fut qu'un mince rempart à son initiative contre laquelle je ne pouvais plus lutter.
Sa langue avait remplacé sa main dans le balai incessant des allers/retours entre mes cuisses, et alors que je ne l'espérais plus, elle vint par surprise goûter à mon intimité.
Une onde de choc me traversa, mes reins se soulevaient instinctivement pour accentuer la progression de sa langue, bientôt aidée par une impromptue visite de sa main.
Je crois que je criais à ce même instant mais le son de ma voix se perdait dans le bruit du ressac.
Je sentais le sel sur mes lèvres. Le vent au large s'était levé et les embruns venaient me réveiller.
J'ouvrais les yeux. Mon corps était encore dégoulinant et chaud de ce rêve et l'état froissé de la serviette le confirmait.
Je rassemblais mes affaires et regagnais la maison, un peu perdue dans mes pensées;
"Où est-Elle ? que fait-Elle ? "pense-t-Elle à moi" ?
Sur l'écran de mon PC resté en veille, une enveloppe rouge clignotait :
"Je viendrai mais je ne peux pas te promettre quel jour, j'ai beaucoup de travail ici, je t'aime mon cœur, attends moi".
Yes, I’ll be waiting my love...
CHAPITRE 2
J'avais reçu le matin même les plants que j'attendais avec impatience, après avoir préparé la terre tout au long de la semaine.
J'arrivais à visualiser ce qui ressemblerait dans quelques jours à un vrai carré de fruits et d'aromates variés, un mélange savant de thym, de ciboulette, de persil et de cerfeuil, un peu de menthe qui grimperait contre le mur.
Je l'imaginais déjà en train de me chaparder les framboises et les mûres pour se concocter quelques salades fraîches ou aromatiser ses yaourts.
Alors que j'étais accroupie à observer le résultat, une voix s'éleva derrière le mur :
- "bonjour" !
Je me redressais et aperçu une femme qui me souriait.
Je répondais à son salut, elle me tendit la main par dessus la pierre.
- "Je m'appelle Anne, je suis votre nouvelle voisine, je viens d'aménager la maison à côté pour un mois, et je visitais les alentours;
Puis désignant mon lopin de terre, elle s'exclama admirative :
-"mes félicitations pour un si beau et prometteur jardin".
Je la remerciais.
-" J'ai terminé les plantations, et là je meurs de soif, je vous en prie entrez, je vous offre un verre".
On s'installa sous la véranda.
-"Quel magnifique point de vue vous avez là, le soir au soleil couchant vous devez être aux premières loges".
Notre terrain était situé au dessus d'une falaise, il était bordé d'arbres.
Nous y avions installé un banc d'où l'on pouvait assister chaque soir au spectacle du soleil, enroulées dans un plaid pour se protéger de la fraîcheur nocturne.
Je me rappelais de cette dernière nuit particulièrement chaude que nous avions passée à faire l'amour sur ce banc, la veille de son départ, avec comme seul témoin un énorme soleil rougeoyant.
On pouvait accéder à la plage et à notre coin de sable entre les rochers par un sentier rocailleux qui descendait sur le côté de la falaise, et qui était totalement inconnu des touristes.
Je nous servais un thé glacé et je demandais :
-"Et qu'est-ce qui vous amène dans notre beau paradis" ?
- "Je cherchais une location isolée et calme pour pouvoir travailler, je suis traductrice.
J'ai un contrat avec une maison d'édition qui m'amène à traduire en Anglais des romans et autres fictions.
Je finalise actuellement le dernier roman de Pierre Corp "Le cœur arraché", un magnifique et émouvant récit, que je dois rendre pour la rentrée de septembre.
-"Du travail en perspective alors" ? Demandais-je
Elle sourit.
-"Oui en effet, mais cela ne m'empêchera pas de profiter de la beauté de la région, je viens aussi pour me reposer".
Elle ajouta :
-"Et vous-même, vous êtes en vacances ici" ?
-"En quelque sorte oui, j'entretiens notre paradis et je veille à le rendre vivant chaque jour qui passe. J'écris moi aussi sous forme de "Lettres" quotidiennes, un peu comme un journal de bord personnel".
Elle s'exclama :
-"Nous avons donc l'écriture en point commun, voilà qui me plait, nous pourrons échanger quelques avis sur le sujet".
-"Pourquoi pas" répondis-je.
Elle se leva.
-"Je ne vous dérange pas plus longtemps, je suis enchantée d'avoir pu faire votre connaissance".
Je la raccompagnais et en passant devant la fenêtre ouverte elle aperçu l'écran de veille du PC qui affichait un diaporama de nos photos.
Elle demanda :
-"Qui est cette magnifique personne dans vos bras" ?
-"C'est mon...c'est ma...c'est ELLE".
Anne observait attentivement les portraits qui se succédaient.
Elle figea alors une image sur l'écran et commenta :
-"Quel magnifique visage ! Et ce regard profond qui semble à la fois indécis et déterminé, cette beauté cultiverait-elle le paradoxe" ?
Puis s'approchant plus près de l'écran elle ajouta :
"Etonnant, on devine des paillettes dorées dans son regard, aurais-je le plaisir de la rencontrer prochainement, vous pourriez venir prendre un verre" ?
Je baissais les yeux sans répondre, je sentais l'émotion me gagner.
Anne me saisit la main et remarqua mon trouble.
Je tournais la tête vers l'océan et après un moment de silence je répondis :
"ELLE est retenue là bas pour ses affaires qui sont importantes pour ELLE seulement, mais pas pour moi".
Anne s'approcha de moi en cherchant mon regard perdu à l'horizon.
-"Il y a des choix contre lesquels vous ne pouvez pas lutter.
ELLE pense à vous sans vous le dire très certainement, mais pour l'instant, il vous faut encore patienter".
Puis elle ajouta :
-"J'ai vécu la même situation il y a 3 ans je peux donc comprendre votre ressentit".
Je demandais :
-"Que s'est-il passé" ?
Anne scrutait l'horizon à son tour.
-"J'étais accaparée moi aussi par mes activités professionnelles, j'annulais parfois nos rendez-vous pour des cocktails et autres diners où je me devais d'être présente, je la délaissais bien souvent.
Pourtant ELLE ne me demandait jamais rien, et ELLE était toujours près de moi, m'offrant silencieuse son amour totalement détaché d'un quelconque intérêt.
Un soir quand je suis rentrée tard après l'un de ces diners, notre appartement était vide.
Elle a disparue aussi silencieusement qu'elle m'avait aimée, et je n'ai jamais pu la retrouver.
Je me rend compte aujourd'hui comme le temps perdu ne peut se retrouver".
Anne se pencha et déposa un baiser sur ma joue.
Sans un autre mot elle regagna le sentier et disparue derrière la muraille.
Je restais là les yeux embués à fixer ces images lorsque un bip caractéristique se fit entendre.
La traditionnelle enveloppe rouge clignotait dans l'angle de l'écran.
Je ne me précipitais pas pour ouvrir son courrier, j'en connaissais par avance le contenu.
CHAPITRE 3
Je revenais du marché avec quelques provisions en cette fin de matinée et je trouvais un bout de papier scotché sur ma porte :
"J'ai un superbe plateau d'huîtres viens déjeuner avec moi "- Anne
J'envoyais un sms de confirmation à ma voisine d'écriture distante seulement d'une cinquantaine de mètres, avec qui j'avais sympathisé depuis plusieurs jours.
Je la retrouvais peu après.
Elle avait préparé une jolie table et en voyant le plateau de fruits de mer et le vin blanc dans la glace je dis en souriant :
-"Evidemment si tu me prends par les sentiments"...
-"J'aime te voir sourire me dit-elle, ton regard s'éclaire et embellit ton visage"
Ce à quoi je répondis :
-"On ne t’a jamais dis que le tiens n'était pas mal non plus" ?
A ces mots elle éclata de rire et le déjeuner se poursuivit sur un ton léger et amusé.
Au moment du café, le ton se fit plus sérieux, elle commença :
-"Cela fait plusieurs jours que je ne te vois plus descendre à la plage me dit-elle, Elle marqua une pause et devant mon silence, elle ajouta :
-"Par contre en passant l'autre soir sur le chemin, je t'ai vue sur le banc face à l'océan alors que le soleil était couché depuis un bon moment déjà...et ce n'est d'ailleurs pas la première fois que je te vois là...tard".
"Alors comme je m'inquiétais je voulais que tu viennes me voir aujourd'hui pour en parler, enfin, si toutefois tu souhaitais en parler".
Je tournais machinalement ma cuillère dans ma tasse et la fixais droit dans les yeux.
Elle m'observait en silence, cherchant à comprendre mon attitude.
Elle leva un sourcil interrogateur et demanda soudain :
-"Dis-moi, quel est ton plus beau souvenir avec ELLE" ?
Je souris à l'évocation des ces images qui me revenaient en mémoire immédiatement, je fini par répondre :
-"Je crois que le plus beau, c'est le jour où je l'ai retrouvée là-bas, de l'autre côté de l'océan".
-"Raconte" me dit-elle avec un éclat dans les yeux.
-"Nous étions à Big Apple et nous devions passer ensemble une semaine à visiter un musée, sortir au théâtre, assister à un concert.
Cela a duré 3 jours pendant lesquels nous étions ensembles, inséparables où que nous allions, quoi que nous fassions.
C'était sans compter sur ses responsabilités auxquelles elle ne pouvait échapper, elle s'absentait à certains moments de la journée pour passer au bureau.
Un matin elle m'annonça qu'elle avait une réunion de la plus haute importance et qu'en sa qualité de présidente, elle ne pouvait délibérément pas y renoncer.
J'ai décidé alors de lui faire une surprise.à ma façon.
J'avais repéré au bas de l'immeuble un marchand de fleurs.
J'achetais une immense gerbe de roses rouges et je persuadais le vendeur de me prêter pour 1 heure une de ses tenues de livreur, à savoir veste et casquette marqués au nom de son entreprise.
Puis je stoppais un yellow cab pour remonter la 5ème avenue.
J'entrais dans la tour abritant la Société et cachée derrière mon bouquet de roses je pu passer sans réelles difficultés les vigiles qui montaient la garde.
Arrivée à l'étage indiqué, je repérais immédiatement la secrétaire à qui j'avais été présentée à mon arrivée, lors d'une visite avec ELLE.
Je marchais d'un pas décidé vers la salle de réunion et essayant de la prendre de vitesse.
En me voyant elle se redressa d'un bond.
-"s'il vous plait, où allez-vous ?...non vous ne pouvez pas entrer là, c'est interdit"...
Elle faisait de grandes tentatives désespérées pour me barrer le passage et m'empêcher d'atteindre la porte à double battants.
Voyant ma détermination elle commençait à hurler à la sécurité.
Je baissais alors mon bouquet et soulevant ma casquette en lui faisant un clin d'œil, elle me reconnue et stoppa net ses cris.
-"sorry my dear, it's an emergency»!
Je poussais les deux battants simultanément et entrais dans la salle de réunion.
La secrétaire sur mes talons accrochait ma veste dans mon dos pour me ralentir mais sans résultat, haussant les épaules en signe d'impuissance.
Une immense table ovale trônait au milieu de la pièce baignée par les rayons du soleil printanier.
Les 20 personnes tournèrent la tête dans ma direction et le silence fut total en une fraction de seconde.
Je remontais le long de la table lentement jusqu'à la place de la présidente, tous les regards étaient sur moi.
Ma casquette vissée sur la tête et dissimulant au mieux mon visage et mes mains dans les manches trop longues de la veste, j'observais son visage entre deux roses.
Elle se laissa aller contre le dossier de son fauteuil et je vis alors ses yeux se remplir de larmes.
Et dans un Anglais totalement improbable qu'Elle seule pouvait comprendre, je fis cette annonce :
"I am sorry to disturb the people
but I have a message of my heart for you.
I want to say I love you,
and I would like to know
if you love me too.
Please, stay with me.
Je posais le bouquet à ses pieds et lui tendais le reçu à signer sur lequel étaient collés deux anneaux en or.
Des larmes coulaient sur ses joues, les regards allaient et venaient entre Elle et moi chacun retenant son souffle.
L'homme à ses côtés posa sa main sur la sienne pour la rassurer.
Elle lui ressemblait, ils avaient le même regard et je l'entendis lui murmurer "accept" en souriant.
Elle se leva et détacha les anneaux du reçu et me passa le mien, puis ce fut mon tour d'en faire de même.
Nous sommes parties ensuite pendant 1 mois pour voyager à travers le monde à la rencontre des populations et leur culture, certaines étant bien évidement en dessous du strict minimum.
Nous avons collaboré avec des ONG pour la mise en place de dispensaires pour un programme de vaccination des populations.
Notre voyage s'est achevé ici dans sa maison.
Après quelques jours avec moi, Elle a dû repartir à Big Apple...
Anne m'avait écouté sans m'interrompre une seule fois.
-"C'est un très beau souvenir dit-elle,
-"Merci..."
Elle ajouta :
-"J'ai un rendez-vous avec mon éditeur ce soir je risque de rentrer tard. Mais si tu veux on peut sortir et dîner ensemble demain soir dans ce restaurant dont tu m'as parlé l'autre jour, on pourra continuer à en parler.
-"Bien sûr avec plaisir répondis-je, promis on se fait une soirée"
Elle me prit par la main et m'accompagna au bout du chemin.
Là Elle s'arrêta et me caressa la joue, je sentais de sa part quelque chose, je n'osais pas lui demander.
Elle déposa un baiser au coin de mes lèvres, puis elle lâcha ma main en reculant de quelques pas, et fit demi-tour sans un mot.
Au bout de notre terrain j'observais l'océan. Le vent s'était levé dans l'après-midi et les vagues formaient déjà des creux impressionnants.
De gros nuages s'amoncelaient dans le ciel, l'orage n'était pas loin.
Plus tard dans la soirée, un bulletin d'alerte était émit en prévision d'une forte tempête sur notre région.
Notre voisin venait en courant sur le chemin :
"- Belle dame, il faut protéger la maison, la tempête sera forte".
Il m'aida à bloquer les contrevents et arrimer au sol tout ce qui risquait de s'envoler.
Sur ses conseils, je préparais bougies et lampes à pétrole pour la soirée ainsi que du bois pour le poêle.
Dans la pénombre, l'écran du PC donnait un peu de lumière, seule l'enveloppe rouge clignotante donnait un semblant de vie.
CHAPITRE 4
Noir.
Je ne sais pas où je suis, je ne vois rien et je ne reconnais pas cet endroit.
Il n'y a pas d'odeurs, pas de senteurs, juste une ambiance brumeuse et épaisse qui m'étouffe. Je suis aveugle.
J'avance à tâtons, mes mains touchent des parois de chaque côtés mais l'endroit est très étroit, je ne peux pas m'arrêter, ni faire demi-tour.
Je sens le sol sous mes pieds qui semble ne pas être stable, comme un pont fragile prêt à se dérober sous mes pas.
Des coups sourds résonnent dans ma tête et me font mal, il faut que j'avance plus vite mais je ne vois pas d'issue.
Je me réveille en sursaut.
Je me rends compte que je viens de faire un cauchemar mais j'entends toujours les coups.
On frappe à ma porte avec force, je me précipite quand je reconnais la voix de Anne de l'autre côté.
-"S'il te plait, ouvre moi" crie t'elle.
Elle est complètement trempée et sale, une plaie saigne à son front.
Totalement épuisée je la soutiens pour marcher et l'accompagner sur le divan, je remets du bois dans le poêle pour la réchauffer.
Pendant que je nettoie sa blessure, elle me raconte :
-"J'ai quitté le rendez-vous avec l'éditeur au moment où la tempête s'est abattue.
J'ai voulu regagner ma voiture et revenir ici, les routes étaient déjà difficilement praticables, le centre ville était complètement saturé.
J'ai tout de même réussi à sortir de la ville et je me suis engagée sur le chemin qui monte à la falaise.
Alors que je n'étais qu'à 2 kms à peine de la maison, une coulée de boue a emporté ma voiture et je suis tombée dans un ravin.
J'ai réussis à m'extirper de l'habitacle et à remonter le travers en m'agrippant aux racines. J'ai tout laissé dans ma voiture, je n'ai pensé qu’à me sauver".
Elle se mit à sangloter, je l'enroulais dans notre plaid devant le feu.
-"Ici tu ne risque rien, la maison est solide. Repose-toi et demain on ira voir les dégâts. Je vais te chercher des vêtements chauds".
-"J'ai vraiment eu peur me dit-elle en quittant ses vêtements mouillés, je ne sais même pas dans quel état je suis, il y avait des ronces auxquelles je me suis accrochée, et regarde mes mains, il n'y a pas la moindre trace de griffures".
Son chemisier trempé collait à sa peau et je devinais la forme de ses seins à travers le tissu. Elle remarqua mon regard gêné alors qu'elle le retirait pour sécher sa peau et mettre le pull que je lui offrais.
Elle me prit dans ses bras.
-"Heureusement que tu es là pour m'aider, merci" me chuchota t’elle.
Son corps si près contre le mien me donnait des frissons, elle m'embrassa sur la joue...puis posait sa tête sur mon épaule, je sentais son souffle chaud dans mon cou.
Je n'arrivais pas à la repousser.
Le poêle diffusait sa chaleur bienfaisante et les flammes à travers le hublot éclairaient doucement la pièce.
Au dehors le vent semblait s'être posé.
Demain il faudrait aller voir ce ravin et constater les dégâts autour des maisons.
Anne était endormie à présent la tête sur mes genoux et enveloppée dans le plaid, je passais ma main dans ses cheveux.
Je pouvais observer son visage régulier et sa peau claire. Je la trouvais belle.
C'était la première fois que je caressais une autre femme qu'ELLE.
ELLE...là bas de l'autre côté de l'océan qui semblait m'oublier,
ELLE...working girl élevée aux techniques de communications modernes pour qui un "Je t'aime" sur un e-mail remplace une étreinte...
Ma tête basculait en arrière sur le dossier du divan et je m'endormais à mon tour en cette fin de nuit agitée.
Derrière nous, l'écran de veille du PC semblait ne jamais avoir été touché par la tourmente qui régnait dans mon coeur depuis l'arrivée d’Anne.
CHAPITRE 5
L'odeur du café se répandait dans la maison.
J'ouvrais les volets sans bruit afin de ne pas réveiller Anne qui dormait encore sur le divan.
Je sortais sur le perron de la maison et jetais un rapide coup d'œil alentours.
Le mur extérieur du jardin avait cédé sous la pression de l'eau et des pierres étaient à présent sur les plants de fruits.
J'en ramassais quelques unes, il faudrait certainement refaire ce mur et le consolider avec du ciment.
Le sentier qui menait à la plage était complètement raviné par la pluie et les profonds sillons dans le sol témoignaient de la force de la tempête.
Au bout du terrain, quelques branches étaient tombées sur le banc que je dégageais immédiatement pour lui rendre son apparence accueillante.
A part quelques tuiles manquantes ça et là, le toit ne semblait pas avoir souffert plus que cela.
Les vagues avaient charrié tout ce qu'il était possible sur le sable et ce matin la plage était envahie de détritus, de bouts de bois et d'algues;
Enroulé dans un filet dérivant on retrouvait également le corps d'un dauphin échoué, il y en eu plusieurs autres ce jour là tout au long des plages.
Je revenais vers la maison.
Anne était sur le pas de la porte et m'attendais.
Ses cheveux blonds en désordre et son pansement sur le front lui donnaient un air de sauvageonne. Le pull trop grand lui tombant sur le haut des cuisses faisait office de chemise de nuit en laine, elle souriait.
-"Comment te sens-tu ce matin "? Demandais-je en venant vers elle.
-"J'ai un peu mal au crâne mais cela devrait passer, la bonne odeur du café m'a réveillée et m'ouvre l'appétit".
-"Alors ça tombe bien, on va déjeuner de suite puis on ira voir chez toi dans quel état est la maison, puis si la route est praticable, on ira voir ta voiture".
Le petit-déjeuner fut copieux et Anne ne manqua pas à plusieurs reprises de me remercier pour mon aide.
-"Tu aurais fais de même pour moi je suppose", dis-je.
Plus tard, je lui donnais de quoi se vêtir, et c'est non sans une certaine appréhension que nous nous dirigeâmes vers sa maison.
Une partie du toit avait disparut et laissait apparaître la volige ainsi que son ossature.
Les vitres de la véranda avaient explosé, les jardinières suspendues avaient disparues et la table de jardin était à plus de 30 mètres de là.
Le propriétaire de la maison alerté, tout le reste de la journée fut consacré à remettre de l'ordre tant bien que mal, mais la maison était inhabitable dans cet état.
Je proposais donc à Anne de venir habiter chez nous quelques jours, le temps de régler ses affaires.
Sa voiture remorquée en ville fut déclarée inutilisable, elle put toutefois récupérer ses documents personnels, dont son travail de traduction pour lequel elle s'inquiétait vivement.
Je l'installais dans la chambre d'amis et les jours suivants permirent de nous découvrir mutuellement de nombreux points communs et centres d'intérêts.
Son humeur était joyeuse et elle apportait à cette maison un brin de fantaisie et de dérision qui lui manquait depuis trop longtemps.
Le soir après le dîner nous allions souvent marcher sur la plage et c'était pour elle l'occasion de jeux de gamine avec l'eau ou les algues, ou de dessiner sur le sable avec un bâton.
Ce soir alors que l'on s'apprêtait à rentrer, elle dessina un cœur sur le sable et inscrivit mon initiale à l’intérieur.
Elle me tendit le bâton pour continuer. Je gravais la lettre A près de la mienne.
Elle me prit par la main pour revenir vers la maison.
Son séjour touchait à sa fin, elle devrait repartir dans 3 jours pour cause de rentrée littéraire.
Pour notre dernier soir ensemble, nous avions prévu un dîner aux chandelles.
Plus tard dans la soirée, alors qu'elle m'accompagnait à la porte de ma chambre :
-"Je voudrais te demander quelque chose...j'aimerais...que tu viennes avec moi demain. Tu ne peux pas rester ici encore..je crains..."
Elle s'interrompit puis me prit dans ses bras.
Je retrouvais enfin la douceur de ses mains et la tendresse qui me manquaient depuis tant de semaines d'attente et notre dernière nuit d'amour fut des plus belles.
Le lendemain matin les bagages étaient prêts et chargés.
Je faisais le tour de la maison pour ne rien oublier.
Anne m'attendait à l'extérieur près de la voiture.
Je fermais à clé et la déposais chez le voisin.
Dans les mois qui suivirent je fus présentée à la maison d'édition d’Anne.
Mon talent et mon goût pour l'écriture furent appréciés et une nouvelle collaboration s'offrait à moi, je trouvais alors une nouvelle voie d'épanouissement, en plus de l'amour inconditionnel de Anne.
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Le PC était resté allumé et le voyant de la batterie faible indiquait son arrêt imminent.
Je décidais de le laisser ainsi...pour qu'il meure comme mourrait ma passion pour ELLE.
Un décompte de 60 secondes s'affichait sur l'écran LCD pour indiquer sa prochaine mise en veille.
Soudain, l'icône de l'enveloppe rouge s'éclaira dans l'angle gauche.
"My love, j'ai pu trouver une correspondance,
Je serai dans tes bras ce soir,
Attends-moi,
Je t'aime"
FIN
à Béa, affectueusement (et pour toutes les fois où je t'ai attendue)